ESPACE (CONQUÊTE DE L’) - L’espace militaire

ESPACE (CONQUÊTE DE L’) - L’espace militaire
ESPACE (CONQUÊTE DE L’) - L’espace militaire

Depuis 1960, année de la première mise en orbite par les États-Unis d’une capsule photographique récupérable Discoverer, les militaires sont devenus utilisateurs de l’espace. De multiples applications ont été imaginées et sont maintenant jugées indispensables. Les satellites militaires permettent notamment d’obtenir des renseignements sur la totalité du globe par l’observation et l’écoute électroniques, de communiquer avec sécurité sur de longues distances et de naviguer avec précision.

Le nombre de lancements effectués à des fins militaires par les États-Unis et la C.E.I. (ex-Union soviétique) est considérable; ce nombre, voisin de la centaine entre 1985 et 1987 (plus de 70 p. 100 des satellites mis en orbite) était encore d’environ soixante-cinq en 1992, malgré les bouleversements intervenus dans la C.E.I. (cf. tableau).

1. Les satellites en orbite basse (de 200 à 1 000 km d’altitude)

Les satellites de reconnaissance

Un satellite de reconnaissance permet une analyse détaillée des zones d’intérêt militaire. On peut ainsi détecter, localiser précisément et analyser l’évolution des moyens militaires adverses; cartographier les sites militaires et les voies de communications; observer l’activité sur les aérodromes, dans les gares, dans les ports ou sur les axes de communications; analyser les infrastructures militaires, industrielles et énergétiques.

Le satellite de reconnaissance constitue donc un « multiplicateur de puissance » important en fournissant une connaissance précise du potentiel militaire adverse et de son implantation (cf. figure).

Les satellites de surveillance

On réunit sous la dénomination de « satellite de surveillance » tout un ensemble de satellites capables d’observer depuis l’espace les activités militaires autres que celles qui sont normalement contrôlées par les satellites de reconnaissance.

Les satellites d’écoute électronique permettent d’effectuer l’analyse et la localisation des signaux électromagnétiques à usage militaire (Elint, Electronic Intelligence) et l’interception des communications (Comint, Communication Intelligence).

Les satellites Elint sont particulièrement intéressants pour connaître l’emplacement et les caractéristiques techniques des moyens de communications et de détection (radars) adverses. Ces satellites permettent également de déceler les zones d’activité militaire importante (localisation de bâtiments à la mer, zones de manœuvre ou de construction d’ouvrages importants, etc.).

Les satellites Comint enregistrent, à des fins d’analyses, les communications qu’ils interceptent et les transmettent à la fois aux services de renseignement et aux services techniques, qui peuvent ainsi apprécier les capacités de l’adversaire et, par conséquent, son niveau technologique. Le décryptage des signaux, pour remonter aux informations transmises, et leur interception deviennent maintenant plus difficiles en raison du développement des techniques de protection du signal.

La surveillance du globe en orbite basse comprend aussi l’acquisition des données météorologiques, qui sont souvent essentielles pour la conduite des opérations militaires (terrestres, maritimes ou aériennes, de débarquement) par la connaissance qu’elles donnent du milieu (présence de glaces pour les opérations maritimes, de brouillard ou de vents, etc.). L’entretien d’un système opérationnel de météorologie militaire est seul à même de garantir la disponibilité des informations en cas de crise grave, qui se traduit toujours par l’arrêt des fournitures des données météorologiques civiles échangées entre nations.

Depuis l’orbite basse, les militaires et, surtout, les scientifiques peuvent également effectuer des mesures de géodésie destinées à mieux connaître le potentiel de gravité terrestre et la forme de la Terre. Disposant de ces résultats, les missiles, les avions, les bâtiments de surface et les sous-marins peuvent ainsi naviguer avec une précision plus grande.

2. Les satellites en orbite géostationnaire

La surveillance depuis l’orbite basse présente l’inconvénient de ne pas être permanente, aussi il est préférable d’utiliser, chaque fois que cela est possible, l’orbite géostationnaire, située à 36 000 kilomètres d’altitude et sur laquelle le satellite reste quasi immobile au-dessus d’un point précis de l’équateur. Le satellite observe alors en permanence une vaste zone, couvrant près de la moitié du globe terrestre. L’application la plus immédiate est le relais des communications et la surveillance de l’activité de lancement des champs de tirs balistiques ou spatiaux. Les applications d’écoute électronique depuis l’orbite géostationnaire sont également utilisées par les États-Unis qui, les premiers, les ont mises en œuvre.

Les télécommunications

Le satellite géostationnaire est le moyen privilégié pour relayer les communications téléphoniques ou les transmissions de données à grand débit entre des points distants de plusieurs milliers de kilomètres. Il est seul à pouvoir permettre, sur de telles étendues, de communiquer de façon sûre et protégée avec les bâtiments à la mer, les avions et les unités en déplacement, les faisceaux hertziens étant en général limités à des bonds successifs d’environ 50 kilomètres. La possession de satellites de télécommunications donne donc une influence planétaire, en permettant de disposer d’un réseau mondial de communications, comprenant plusieurs satellites, couvrant la majeure partie des zones habitées du globe. Pour les régions polaires, l’utilisation de satellites en orbite polaire basse ou en orbite fortement elliptique inclinée à 600 sur l’équateur permet de compléter le réseau (système Molnya ex-soviétique et Milstar américain).

Il est également possible d’équiper les satellites de télécommunications d’antennes de grandes dimensions, ce qui permet de communiquer avec des satellites d’acquisition de données en orbite basse dont les informations deviennent alors immédiatement disponibles à la station de réception. De plus grandes antennes offrent également la possibilité de communiquer avec des terminaux, plus petits et moins coûteux, qui peuvent alors être déployés en plus grand nombre auprès d’utilisateurs très divers.

L’alerte avancée

Les États-Unis comme l’ex-Union soviétique disposent de satellites capables de détecter les rayonnements infrarouges du jet des propulseurs de missiles balistiques ou de lanceurs spatiaux à la sortie de l’atmosphère. Ces satellites constituent le premier moyen d’alerte en cas d’attaque nucléaire. Pour les États-Unis, c’est le système D.S.P. (Defense Support Program), composé de quatre satellites en orbite géostationnaire; pour l’ex-Union soviétique, c’est un système d’une dizaine de satellites sur des orbites fortement elliptiques à 600 de type Molnya.

3. Les satellites de navigation

Le système américain militaire et civil de localisation et de navigation par satellites Navstar et son équivalent de l’ex-Union soviétique Glonass permettent de connaître la position des mobiles à une vingtaine de mètres près sur tout le globe, ainsi que leur vitesse avec une précision de l’ordre de 10 centimètres par seconde. Cela est particulièrement important pour les opérations militaires, pour le positionnement des forces et la conduite des armes. Le coût de ces systèmes, qui comprennent dix-huit satellites en orbite circulaire à 20 000 kilomètres d’altitude, est très élevé.

4. L’homme dans l’espace

La présence de l’homme dans l’espace ouvre des possibilités nouvelles. L’homme, par sa capacité à s’adapter à des situations variées, à réagir en temps réel en bénéficiant des directives envoyées du sol, peut effectuer des travaux d’assemblage complexes dans l’espace. Vers l’an 2000, la mise en orbite d’une station spatiale militaire peut être envisagée. Une telle station, de par sa taille, pourrait comporter tout un ensemble de senseurs (optique, radar, infrarouge, équipement d’écoute...) qui, convenablement exploités, formeraient un puissant moyen de recueil de renseignements. Il est possible d’envisager une station spatiale habitée en permanence. Compte tenu du coût élevé de l’entretien de la vie dans l’espace, milieu hostile à l’homme, une station seulement visitable s’avère plus réaliste.

La station serait aussi le moyen de contrôler l’activité spatiale militaire. En effet, seule une inspection depuis l’espace permet une analyse détaillée, car la turbulence atmosphérique naturelle interdit l’obtention depuis le sol d’images suffisamment nettes d’objets spatiaux.

5. L’espace « armé »

L’éclatement de l’Union soviétique et la diminution de la menace balistique associée ont conduit à une réorientation des études de l’initiative de défense stratégique (I.D.S.) américaine. Le nouvel objectif, fixé par le président des États-Unis en 1991, est celui d’un système de protection contre des frappes limitées (Global Protection Against Limited Strikes, G.P.A.L.S.). La neutralisation d’une salve composée d’un faible nombre de missiles balistiques pourrait être réalisée par un tel système qui utiliserait des intercepteurs armés basés dans l’espace. Par ailleurs, on ne peut totalement exclure l’utilisation d’armes basées dans l’espace contre des objectifs terrestres, aériens ou spatiaux; l’espace deviendrait alors, comme les océans, le moyen d’atteindre des objectifs militaires tout en restant dans un domaine international où la circulation est libre.

Les intercepteurs ou les stations armées dans l’espace peuvent être équipés de deux types d’armes: les armes à énergie cinétique et l’arme laser.

Les armes à énergie cinétique

Les armes à énergie cinétique peuvent être des missiles antimissiles ou antisatellites dont les techniques dérivent de celles qui sont utilisées sur les missiles balistiques et tactiques. Pour les intercepteurs de l’I.D.S., de petits missiles basés dans l’espace, les « cailloux fûtés » (brilliant pebbles ) ont la faveur des experts mais, pour que le système soit efficace, il faudrait pouvoir disposer d’environ mille intercepteurs convenablement répartis autour du globe à une altitude d’environ 400 kilomètres.

D’autres armes à énergie cinétique, comme les canons électromagnétiques hyper-rapides, sont également étudiées.

L’arme laser

Des expérimentations conduites aux États-Unis et dans l’ex-Union soviétique permettent d’envisager l’utilisation de lasers basés dans l’espace, cela supposant néanmoins des stations-supports de très grandes dimensions, ce qui a conduit à les écarter pour l’interception des missiles balistiques. Les sources lasers les mieux adaptées sont les sources chimiques, qui présentent l’avantage de ne pas nécessiter d’alimentation électrique de puissance. On peut citer, dans cette catégorie, les lasers H.F. ( = 2,6 猪m) et D.F. ( = 3,8 猪m).

6. Espace et désarmement

Depuis 1990, plusieurs traités importants de limitation des armements ont été signés: traité sur les forces conventionnelles en Europe (F.C.E.) du 19 novembre 1990 entre les pays de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.), traités S.T.A.R.T.-I et S.T.A.R.T.-II entre Américains et Russes, convention chimique entre plus de cent trente pays dans le cadre de l’O.N.U. en 1993. Tous ces traités supposent la mise en place de moyens de vérification efficaces permettant de garantir que les engagements pris par les États signataires sont bien tenus. Les satellites civils de cartographie fine, tels que Landsat (États-Unis) ou S.P.O.T. (France), permettent aux autorités chargées de surveiller le respect du traité de repérer les sites devant faire l’objet d’une inspection sur place ou d’un survol aérien (en application du traité « ciel ouvert » qui devait entrer en vigueur en 1993) pour lever un doute. Les satellites de reconnaissance ou moyens techniques nationaux (États-Unis et Russie) et multinationaux (cas du satellite Helios, construit par la France, l’Italie et l’Espagne) assurent une garantie supplémentaire aux pays qui en disposent, car ils permettent d’atteindre des zones dont l’accès serait refusé ou qui ne seraient pas couvertes par les traités existants.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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